Offrir son écoute à un collaborateur mécontent, à un ami en détresse, à son conjoint en colère … est un acte de grande générosité. Notre société, imprégnée de culture judéo-chrétienne, nous invite largement à le faire, dans un don de soi à l’autre qui met à distance tout égocentrisme malvenu. Pourtant, écouter efficacement l’autre comporte comme préalable nécessaire une sécurité intérieure qui ne va pas toujours de soi et mérite notre attention.
Gérer habilement notre curseur entre stabilité et remise en cause
Voici une plainte, une remarque désobligeante « La manière dont tu as procédé pourrait discréditer notre équipe !» … et de multiples émotions s’agitent en nous. Nous avons beau vouloir nous centrer sur l’autre, des questionnements intérieurs surgissent : « Suis-je compétent ? Que veut-il dire mais qu’il ne dit pas ? », voire des défenses : « Ce n’est pas vrai », ou « C’est ma faute », ou encore « C’est un imbécile ».
L’autre nous fait peur dans la mesure où il menace notre estime de nous-mêmes.
Devons-nous alors rester imperturbables, ou bien nous remettre en cause ?
Will Schutz1 nous invite à nous poser cette jolie question : « Et si c’était vrai à 1% ? »
Autrement dit : « et si cette confrontation à l’autre était l’occasion d’en apprendre un peu plus sur moi-même, d’être plus conscient de moi ? J’aurais alors à traverser ma peur de ne pas être à la hauteur, à accepter mes limites et donc à vivre pleinement mon humanité … ».
Et en même temps, 1% c’est peu et cela laisse la place à toutes nos belles qualités !
Je trouve ce questionnement de nature à nous aider à gérer habilement notre curseur entre stabilité et remise en cause.
Par ailleurs, écouter l’autre en souffrance ou en difficulté peut faire surgir la crainte d’être responsable de ce qui lui arrive ou de ne pas être capable de l’aider et de trouver des solutions. Le risque est grand alors, si nous n’en sommes pas conscients, de faire diversion (déni ou réduction, moralisation, conseil, référence à soi)… alors même que l’autre a tout simplement besoin d’une écoute silencieuse et confiante en sa capacité à mobiliser ses propres ressources.
Enfin, plus largement, écouter l’autre c’est nous confronter inévitablement à nos différences, à l’immensité de nos propres limites et en même temps au refus de devoir correspondre à des attentes ou projets extérieurs. Ainsi Sheryl Sandberg2, dans son livre « En Avant Toutes », prend-elle l’exemple des femmes qui travaillent et craignent de ne pas bien s’occuper de leurs enfants lorsqu’elles échangent avec les femmes au foyer, qui de leur côté sont confrontées à leur manque de connaissance du monde du travail.
La conscience de nos talents, et l’acceptation de nos manques comme autant de moteurs et d’opportunités de croissance, peuvent nous aider à adopter une nouvelle perspective.
Permettre à l’autre de créer cet espace où il va s’écouter profondément
Or comme l’enseigne Alain Cardon3, être réellement à l’écoute de l’autre afin de l’aider nécessite de mettre notre égo de côté, d’être tranquille avec nous-mêmes pour être pleinement centré sur l’autre, tout en étant conscients de la résonnance que cela trouve en nous.
Plus encore, nous devons créer un véritable silence intérieur qui ouvre à l’autre toute la place pour se déployer, sans intention et dans une confiance totale en ses capacités à cheminer et trouver ses solutions, grâce à notre écoute.
Ecouter ce qu’il dit, et ce qu’il ne dit pas. En effet, le vrai problème n’est souvent pas dit, voire n’est pas conscient. L’essentiel est donc de permettre à l’autre de créer cet espace où il va s’écouter lui-même, mieux comprendre ce qui le préoccupe, et laisser émerger des solutions créatives au-delà de ses sentiers habituels.
Mais alors, comment concilier notre volonté d’écouter pleinement l’autre, et les peurs qui peuvent alors être activées ?
« L’écoute, ce portail menant vers l’âme »
Will Schutz1 écrit que « L’écoute est comme un portail menant vers l’âme. Lorsque nous écoutons l’autre avec toute notre attention, nous recevons également un message en provenance de notre essence ».
Tout se passe comme si écouter l’autre de manière attentive et silencieuse nous invitait aussi à nous connecter avec notre identité profonde, à cette partie positive de nous-mêmes, source de notre stabilité, et nous donnait l’opportunité d’en apprendre davantage à la fois sur l’autre et sur nous-mêmes.
Somme toute, écouter l’autre est une aventure dans laquelle chacun des deux partenaires se construit et se transforme, cherche son « Cap ». Mais, comme c’est connu en matière de navigation, pour cela nous devons savoir d’où nous partons, c’est-à-dire qui nous sommes, et donc accueillir et approfondir le lien avec cette essence qui fait de chacun de nous un être unique et précieux.
Ces propos pourraient-ils vous conduire à écouter d’une manière plus profonde ?
De quelle façon pensez vous qu’il est possible de prendre soin de notre sécurité intérieure pour écouter nos proches ?
1Will SCHUTZ, Psychologue américain, pionnier du mouvement du potentiel humain, a démontré les liens entre l’estime de soi, la confiance des salariés et la productivité
2Sheryl SANDBERG, femme d’affaires américaine, actuelle directrice des opérations de Facebook
3Alain CARDON, maître coach certifié de l’International Coach Federation, Coach executif systémique, coach d’équipe et coach d’organisations
Merci Valérie pour ce bel article!
Savoir écouter est un art qui s’affûte tous les jours avec ses oreilles,
On ne dit pas suffisamment que l’équilibre est dans les oreilles. Tomatis le savait bien 🙂
Merci pour ce bel article Valérie. Ecouter le visible et l’invisible, l’audible et l’inaudible. ‘Ecoute!’ St Benoit. Une référence que je n’ai pas encore lue mais qui est intéressante je crois : ‘Quand les décideurs s’inspirent des moines’ chez Dunod.
That’s a smart answer to a difcfiult question.
Bonjour Valérie. Merci pour cet exposé remarquable qui me parle beaucoup.J’ai lu les autres articles tout aussi remarquables. j’ai aussi regardé les videos. Quelle maitrise de Schutz. J’anime prochainement un teambuilding pour une ONG au Liban et tu m’as donné beaucoup d’idées pour l’animation de ces journées.
Merci encore pour ta posture de coach, ta passion et ton expertise.
God bless. Gérard