Etre conscient de soi veut dire choisir de se regarder ouvertement et honnêtement, dans les dimensions positives de nous-même comme dans celles qui nous plaisent moins.
Je vous propose d’identifier différentes conséquences de la conscience de soi sur le travail en équipe. Mon propos est d’illustrer combien se connaître en profondeur conduit à donner le meilleur de soi et à créer les conditions de la cohésion, de la solidarité, et donc de l’efficacité en équipe. Et cela est vrai qu’on en soit le manager ou l’un des collaborateurs, même si la posture du leader reste clef.
1) Conscient de soi pour ne pas se tromper de sujet à traiter
A quel niveau se situe réellement le problème?
Avez-vous déjà observé des conversations surréalistes où personne ne comprend pourquoi le débat part en vrille ou est totalement stérile ?
Le plus souvent, c’est que le vrai enjeu n’est pas nommé ni traité. Ni même conscient. On reste sur un échange sur le contenu, alors que ce qui se joue se situe à un autre niveau ou dans la relation.
Par exemple dans une réunion, un dossier est mis en débat. Son responsable sent son professionnalisme remis en cause et son travail non reconnu (à tort ou à raison). Il n’est plus objectif, il est parasité par cette crainte.
Voici ma suggestion : arrêter le débat et poser et répéter la question clef « quel est le problème ? » jusqu’à ce que le vrai problème émerge.
Dans notre exemple, si la personne se sent suffisamment en confiance pour identifier et poser sa crainte, c’est l’occasion d’en parler en vérité. Peut être est-ce fondé ? Ou pas? Peut-être la personne a-t-elle besoin d’être sécurisée sur sa compétence pour accepter de voir les axes d’amélioration de son dossier ?
2) Conscient de soi pour éviter un comportement automatique inadéquat et qui empêche d’avancer
Si je suis conscient de ce que je vis, je pourrai écarter une réaction bloquante, et choisir de voir avec lucidité ce désir ou cette émotion qui m’anime pour y trouver une réponse adaptée.
Les comportements défensifs bloquent l’énergie du groupe
Par exemple, si je suis conscient que je vis très mal cette réunion au sein de laquelle je n’ai pas pu m’exprimer, ou bien mon avis n’a pas du tout été écouté, il est possible que je pique une colère, me mette en retrait avec un air renfrogné, ou sorte en claquant la porte. Il va de soi que ces comportements sont éminemment bloquants dans une équipe. Mais si je suis conscient de moi, je peux choisir d’exprimer simplement mon mécontentement et demander à avoir un vrai moment d’attention pour développer mon point de vue.
Autre exemple : dans cette situation où je me sens extrêmement frustré de me sentir coincé car je ne vois aucune action possible, je me vois subir une orientation prise, il est possible que je le vive particulièrement mal. Un comportement défensif plus ou moins conscient pourrait être par exemple de critiquer fortement cette orientation, ou de dire qu’il n’y a pas de problème, ou encore de m’autocritiquer sévèrement pour ne pas avoir réussi à l’infléchir.
3) Conscient de soi pour accueillir la richesse de l’autre et son aide = équipe plus performante qui profite de toutes les compétences
Par rapport à l’exemple précédent, lorsque je deviens conscient que subir une autorité ou un contrôle fort peut être insoutenable pour moi et m’entraîner dans des comportements automatiques et inadéquats, je peux choisir des alternatives. Comme m’ouvrir à mon équipe, pour accueillir sa richesse pour m’aider à « remonter sur le cheval », à découvrir toutes les possibilités d’action que le stress me privait de voir. Ou pour permettre aux membres de mon équipe de me proposer leur aide, leur soutien. Cela peut se faire de manière spontanée ou avec l’aide d’une technique comme le codéveloppement.
Plus généralement, se connaître permet d’être conscient de ses forces dans un contexte donné et d’accepter ses limites. J’accepte d’autant plus volontiers mes limites que je comprends qu’elles sont l’expression extrême de mes grandes qualités, et qu’il est juste impossible d’être tout puissant.
Par exemple, il est impossible d’être à la fois une locomotive qui tire et entraîne les autres dans une action intense, et celui qui réfléchit et analyse finement toutes les difficultés improbables, mais dont l’une un jour peut être celle par laquelle l’erreur s’introduit …
Accepter sa fragilité laisse la place à l’autre pour se déployer
Or si j’accepte ma limite, je ne serai plus guidé par l’instinct de la cacher, ou encore de me justifier à chaque fois qu’elle ressort. C’est le complexe de l’imposteur : « va-t-on découvrir que je ne suis pas la personne compétente que l’on croit que je suis ? » Question que chacun se pose de manière plus ou moins forte, à un moment ou à un autre. Mais je verrai dans la richesse de l’autre un complément indispensable. Je verrai d’un bon œil que l’autre grandisse, voire je l’encouragerai à se former, à devenir de plus en plus compétent. Accepter sa fragilité laisse la place à l’autre pour se déployer.
L’un des fruits de cette conscience de soi est d’accepter en tant que manager ou responsable de projet de recruter des personnes différentes de soi, et se réjouir de la différence.
4) Conscient de soi pour accepter le désaccord et la contradiction qui permettent d’éviter les erreurs
Accepter le désaccord, notamment en tant que manager ou dirigeant, c’est difficile, car cela peut conduire à se sentir remis en cause dans sa légitimité. C’est pourquoi il est utile de faire un travail de conscience de soi pour accepter ses forces et ses limites, comme évoqué précédemment.
Une équipe mature regarde en face difficultés et erreurs
Forte de ce travail, une équipe dans laquelle les désaccords peuvent s’exprimer est une équipe mature qui regarde en face les difficultés et erreurs possibles, et donc se donne toute latitude pour les anticiper et les traiter.
Voici une suggestion aidante pour le responsable : bien identifier son intention lorsqu’il amène des prises de décisions en réunion. S’agit-il d’une décision déjà prise et qu’il entend voir appliquer de manière disciplinée ? Il n’est alors pas question de débattre ou de remettre en cause le fond de la décision. Ou bien s’agit-il d’un projet de décision pour laquelle le leader souhaite recueillir les avis, voire parvenir à une décision concertée et unanime? Il sera pertinent dans ce cas de soulever tous les écueils possibles, de traiter les désaccords. Cette clarification peut éviter au responsable de se mettre lui-même en situation délicate.
5) Conscient de sa part de responsabilité, pour régler les différends dans un climat favorable.
La conscience de soi comme évoqué plus haut amène naturellement à accepter ses fragilités et ses erreurs. Or dans une équipe, lorsque des problèmes surviennent (erreurs, non atteinte des résultats, etc.), la tendance pourrait être de rechercher un coupable, un bouc émissaire. Celui dont la responsabilité mise en évidence permet d’écarter la mienne.
Or ces comportements, souvent injustes, peuvent aussi être très dommageables.
Dans une relation, chacun est 100% responsable et nul n’est à blâmer
Je vous invite à explorer l’utilité de cette hypothèse de W. Schutz : « Dans une relation, chacun est 100% responsable et nul n’est à blâmer ».
J’ai en mémoire une situation délicate à gérer avec un prestataire, qui se trouvait quelque peu pris en défaut. La discussion prenait mauvaise tournure et il était sur la défensive, jusqu’à ce que je lui dise que j’avais ma part de responsabilité par manque de clarté sur mes demandes et que nous allions rechercher ensemble une solution.
La notion de responsabilité est à nuancer de celle de la culpabilité car elle admet que j’ai pu causer un tort sans volonté express de le faire. Le coupable paraissant beaucoup moins excusable ! Or, si je prends conscience du fait que j’ai pu faire des petits choix qui ont conduit à cette situation ou ont permis qu’elle se produise (ne pas communiquer des informations, ne pas donner mon avis, ne pas intervenir lorsque je sentais une dérive, accepter de subir un comportement qui ne me convenait pas, bloquer l’échange en n’écoutant pas assez …) j’invite l’autre à faire de même et ainsi nous ne serons pas en train d’accuser un coupable mais de regarder en quoi nous avons chacun contribué au problème et comment nous pouvons le solutionner ensemble, et l’éviter par la suite.
Ainsi, dans une relation, aborder en conscience une erreur ou une situation problématique comme le résultat d’une responsabilité partagée est porteur d’un climat propice à la résolution du problème, et à un apprentissage précieux.
6) Conscient de soi et ouvert, pour développer le lien et la solidarité dans l’équipe
Etre conscient de soi permet de tendre à nous apprécier nous-mêmes de manière inconditionnelle, c’est-à-dire tels que nous sommes et en dépit de nos fragilités. Cela a pour conséquence que nous allons avoir moins de réactions défensives et donc avoir des relations plus souples avec les autres.
Et ainsi, nous nous adaptons plus facilement à leurs modes relationnels.
Dans une équipe, pouvoir échanger sur les préférences relationnelles respectives peut constituer un moment d’ouverture très fort. Il en ressort non seulement un certain soulagement et une joie à se sentir compris, à comprendre (enfin !) comment l’autre fonctionne, mais également le désir de s’adapter à l’autre, comme en témoignait un jour une participante à un séminaire de cohésion d’équipe.
Cela crée un climat d’ouverture dans lequel chacun peut se sentir accepté tel qu’il est, ce qui développe les liens et la solidarité, et surtout constitue un puissant facteur d’encouragement !
Chers lecteurs, cela fait-il écho à certaines de vos expériences ? Merci de vos témoignages !