La situation exceptionnelle se prolonge mettant en lumière des difficultés inédites pour les managers. L’une d’entre elles est le travail en équipe. Comment garder le lien et la motivation lorsque les problématiques sont nouvelles et incertaines ; les modes de collaboration altérés ; l’environnement inconfortable et les inquiétudes persistantes ?
Aujourd’hui, nous partageons avec vous l’un des outils que nous utilisons dans la formation et l’accompagnement des formations des équipes : le modèle de l’Élément Humain. Il nous donne des clés pour améliorer le fonctionnement des équipes, tout particulièrement dans la période actuelle.
A l’origine du modèle Élément Humain
Au moment de la guerre de Corée, l’US Navy avait constitué de nombreux équipages. Certains d’entre eux fonctionnaient très bien et d’autres pas du tout. L’armée américaine fait alors appel à Will Schutz (1925-2002), un chercheur en psychologie, et lui fait une commande pour comprendre et identifier les critères de bon fonctionnement d’une équipe.
Ses études se concentrèrent sur des équipages sous-mariniers dont le travail était d’analyser de l’information et de prendre des décisions tout en étant sous pression.
Les conclusions de Will Schutz évoquent deux variables pour qu’une équipe fonctionne bien : la performance technique mais aussi la compatibilité, c’est à dire la capacité d’une équipe à s’ajuster dans les relations interpersonnelles, dans la délicatesse et en même temps l’exigence. Allant plus loin dans ses recherches, il donnera différents critères pour augmenter la compatibilité des équipes.
La productivité d’une équipe repose sur sa capacité à se mobiliser et à fonctionner ensemble de manière très efficace dans un contexte de fort stress.
Dans le contexte du Covid-19 différentes craintes peuvent être présentes : incertitudes sur l’issue de la crise et son impact sanitaire, conséquences économiques pour l’entreprise et donc pour les emplois, conséquence sur le rôle de chacun, sur son importance au sein du système, sur ses responsabilités, …
Des tensions peuvent naître ou s’exacerber, des erreurs, ou des manques de coordination peuvent survenir et être lourds de conséquences.
L’Élément Humain va aider à naviguer dans ces périodes de stress en nous invitant à être vigilant à l’estime de soi des membres de l’équipe.
Une personne en estime de soi fragile aura des comportements défensifs et souvent improductifs. Une personne en estime de soi élevée se montrera ouverte à la coopération et à la résolution des difficultés.
Voici 3 curseurs, qui fondent le travail en équipe, et sur lesquels le manager peut agir pour créer un climat dans lequel l’estime de soi des personnes est renforcée.
L’inclusion a trait aux contacts entre les personnes : le désir de recevoir de l’attention, d’interagir, d’être en lien, d’être unique. En tant que collègue, je perçois que vous me ressentez important lorsque vous me parlez, vous me considérez. Quand je me sens important, je sais que je fais une différence, que j’ai de la valeur.
Pratiquez l’inclusion, avec le juste dosage :
· Accordez de l’importance à vos collègues, vos différentes équipes. Votre présence et votre attention sont des signes de considération extrêmement appréciés, même si vous n’avez pas de réponses à toutes les questions que l’on pourrait vous poser.
· N’oubliez pas ceux qui sont en chômage partiel ou total. Le manque d’inclusion dans l’équipe va faire peser le doute sur leur importance et celle de leur travail et générer des inquiétudes pour l’avenir.
· Distinguez deux types de réunions : celles de travail et, une fois par semaine, une réunion d’équipe plus informelle, plus conviviale, où il est interdit de parler travail et à laquelle peuvent participer (s’ils le souhaitent) ceux qui sont en chômage partiel. Dans le même esprit vous pouvez créer un groupe WhatsApp d’équipe.
· Soyez vigilant quant à la quantité et le type de contacts dont chacun a besoin : ni trop, ni pas assez !
Le contrôle désigne les relations de pouvoir et d’autorité. Être pertinent avec le contrôle, c’est doser finement la quantité de contrôle et accorder sa confiance. En tant que manager, vous devez être à l’aise avec le fait de donner ou de ne pas donner d’ordre, d’en recevoir ou de ne pas en recevoir, lorsque c’est approprié à la situation.
Conserver la confiance des parties prenantes est un principe-clé de la gestion et de la communication de crise. C’est aussi un principe-clé du management de l’équipe en temps de crise.
Pratiquez le contrôle, avec le juste dosage :
· Choisissez de faire confiance. Répondre positivement à la confiance sincère dont on bénéficie est un moyen d’établir un lien humain précieux, et accroît notre estime de nous-même. C’est pour cette raison que la probabilité que l’autre soit digne de cette confiance est proche de 98% !
· En plus de remercier (ce qui est déjà très bien), abondez en encouragements. Soulignez de manière spécifique, sincère et gratuite les qualités, compétences, initiatives de l’autre. Cela accroît son sentiment d’être capable, et c’est précieux dans cette crise où chacun être confronté à un sentiment d’impuissance.
« L’ouverture est le grand simplificateur de la relation », propose W. Schutz. L’ouverture est le degré auquel je souhaite être ouvert envers une autre personne. L’ouverture, source de la construction de liens plus forts, est la dernière étape qui émerge dans la construction d’une équipe. Le besoin d’ouverture varie en fonction du temps, des individus et des relations.
Le Covid-19 a obligé nombre d’entre nous à nous ouvrir davantage. Avec le télétravail et la visio, nous découvrons les intérieurs de nos interlocuteurs, nous entendons parfois leurs enfants ou les bruits de leur environnement. Certains le vivent bien (ceux qui sont OK pour s’ouvrir). Pour d’autres c’est plus intrusif.
Être en capacité de pratiquer l’ouverture personnalisée est généralement le signe d’une équipe fonctionnelle. En tant que manager, si je suis flexible, je peux m’adapter à différentes postures de mes collaborateurs (je souhaite être ouvert /je ne souhaite pas être ouvert) et doser mon degré d’ouverture. Je me sens à l’aise dans une relation intime aussi bien que dans celle qui requiert de la distance.
Pratiquez l’ouverture avec le juste dosage :
· Acceptez de vous montrer tel que vous êtes, de dire ce que vous pensez et ressentez. Cela favorisera un climat d’acceptation inconditionnelle, dont le fruit est de pouvoir avoir connaissance des signaux faibles, difficultés ou désaccords importants à prendre en compte.
· Personnalisez la relation, dans le respect de l’autre. Lors des visio-conférences par exemple, acceptez que certains refusent d’activer la vidéo.
· Vous ne savez pas comment accueillir les émotions négatives ? C’est simple : restez en silence, accueillez l’émotion, interrogez le ressenti, montrez que vous comprenez, valorisez la confiance reçue. Ni conseils, ni solutions.
· Ne préjugez pas de ce qui est important pour vos collègues pour bien fonctionner avec vous dans cette période : demandez-leur ! D’autant qu’en période de fatigue et de stress, les lignes peuvent bouger.
· Lorsque le climat se tend ou que vous pressentez une difficulté : privilégiez absolument une communication orale et directe. Vous serez mieux à même de vous adapter en fonction ce que vous percevrez des réactions de votre interlocuteur.
· Ne cherchez pas un coupable à blâmer. Évoquez d’emblée que chacun a sa part de responsabilité quelle qu’elle soit, et proposez de chercher ensemble des solutions.
· Lorsque quelqu’un réagit d’une manière excessive et inadaptée, suspendez vos jugements naturels et faites l’hypothèse qu’il est en contact avec une peur et se met en position défensive. Renforcez son estime de lui, et observez …
Cet article a été co écrit par Catherine PIEDNOEL
Société KORALLION – Gestion et communication de crise
Et Valérie COMMARET Licensed Human Element Practicioner
Société CAPSARA – Coaching et formation